jeudi 9 février 2017

Séminaire de Mehdia : bilan et perspectives du projet Démocratie participative

La ville de Mehdia a accueilli les 28 et 29 janvier derniers un séminaire de bilan et de capitalisation du projet « Pour un renforcement de la démocratie et la protection des droits au niveau de la gouvernance locale au Maroc », porté par IDD, l’IFAD et le CCFD-Terre Solidaire. Les 106 participant.e.s, venu.e.s de France, du Maroc et du Sénégal, ont approfondi le concept de démocratie participative et sont revenus sur le projet et ses résultats, enseignements et perspectives.
Pour les membres et sympathisant.e.s des associations partenaires, le centre du Croissant rouge de Mehdia est emblématique. De nombreuses rencontres s’y sont tenues ces dernières années, notamment celle qui lançait le projet fédérateur Démocratie participative (DP), début 2014. Trois ans plus tard, il s’agissait de contribuer à en esquisser le bilan, mais également d’aborder la question de la démocratie participative telle qu’elle se présente au Maroc – ainsi qu’au Sénégal où, a expliqué Badara N’Diaye, celle-ci prend sa source dans des processus inventés il y a plusieurs siècles. 



Le projet bénéficiait sur le papier d’une conjoncture favorable, avec l’intégration dans la nouvelle constitution marocaine, en 2011, de plusieurs articles mentionnant la démocratie participative comme un nouvel horizon à atteindre dans la vie politique marocaine. Mais la réalité rend les choses parfois plus compliquées : les décrets permettant d’avancer concrètement dans ce sens n’ont été publiés qu’en 2015, à mi-parcours du projet. Jusque là, il a donc fallu avancer sans appui ni cadre législatif précisément définis, et faire face à la mauvaise connaissance du concept sur le terrain. Au moins le projet a-t-il permis de démarrer un travail éducatif de proximité sur la question, auprès des élus communaux, des associations et des habitants. Plusieurs participant.e.s au séminaire ont à ce titre souligné les rapprochements qui ont pu s’opérer un peu partout entre acteurs associatifs et élus locaux, ce qui pourra constituer le socle (ou en tout cas faciliter) d’un possible travail conjoint à l’avenir.
L’approche délicate d’un concept pas si simple à aborder, et la question épineuse de son articulation avec une démocratie représentative elle-même assez récente au Maroc, ne sont qu’un élément de la complexité d’ensemble du projet DP. Celui-ci recouvrait un très large éventail d’actions dans les deux pays, dans des territoires parfois difficiles d’accès au Maroc, géographiquement éloignés les uns des autres, avec un grand nombre d’intervenant.e.s, et mêlant enjeux globaux et réalisations très concrètes. Malgré tout, les avancées ont été réelles sur le terrain. Les jeunes et les femmes, cibles prioritaires de ce projet, ont tous salué les évolutions positives en la matière. Les formations organisées tout au long du projet (webradio, gouvernance et projet associatif…) ont permis aux un.e.s et aux autres d’accéder à des compétences nouvelles qu’ils/elles ont pu mettre en pratique localement, soit en réalisant des actions de communication (lors des événements organisés localement par exemple), soit en s’investissant de façon plus importante dans les associations – voire en accédant à des responsabilités nouvelles. Si ces progrès sont réels, il faut cependant reprendre la question de leur valorisation et de leur duplication. Ce point a été soulevé à de nombreuses reprises par l’assemblée.


Cette dernière a été très concentrée et participative tout au long de la rencontre. Les participant.e.s, directement concernés par le projet DP, et passionnés, ont développé leurs points de vue et appréciations, souvent très précis et pertinents, sur les trois années qui s’achèvent. Leurs apports seront précieux pour une deuxième phase qui devra faire la part belle à la participation, justement, dans l’élaboration même du programme. Insuffisamment consultés, selon eux, pour préparer le projet DP, ils sont demandeurs d’un processus plus ouvert au dialogue. Les enjeux sont autant de partir des besoins du terrain, que de donner une place plus importante à leurs idées et solutions – tout en tenant compte des impératifs (sur le fond ou sur des aspects plus pratiques) identifiés par les organisations partenaires. Toujours dans le cadre des perspectives, les participant.e.s ont rappelé, au cours des ateliers, l'importance de l'immigration dans le développement, et la nécessité de renforcer le réseautage entre associations rurales (Maroc), associations issues de l'immigration (France), et têtes de réseau (IDD France et Maroc).

Le week-end a connu deux autres temps forts. Le premier, samedi 28 en fin d’après-midi, a été la présentation de la campagne en faveur de l’égalité femmes-hommes imaginée et réalisée par une partie des jeunes qui se sont impliqués dans le projet. Celle-ci, très réfléchie et largement débattue par les jeunes eux-mêmes, a fait l’objet de questions et réactions parfois vives, parfois sur la forme, parfois sur le fond. Si certains sujets font l’unanimité (les violences faites aux femmes, le droit à étudier…), d’autres sont plus clivants (les mères célibataires…), et ne pourront pas nécessairement être abordés par tous, dans tous les contextes : chacun devra adapter sa démarche là où il se trouve. 



Le second temps fort, qui ne figurait pas dans le « programme officiel », a été une soirée hommage à Abdallah Zniber, fondateur d’IDD, qui a rempli la soirée du samedi. Si Abdallah ignorait tout de l’initiative, une grande partie des participant.e.s avaient été mis dans le secret, et avaient préparé qui une anecdote, qui un hommage, qui encore un rappel historique – car les interventions des un.e.s et des autres ont couvert plus de 40 années d’un parcours où le militantisme d’Abdallah a croisé les grandes luttes, au Maroc, en France et dans le monde. Loin de la solennité, cette soirée a surtout été chargée d’émotion, de rires aussi, à l’évocation de certains souvenirs.